Je me suis réveillée à la Défense et je n’ai rien eu à affronter.
Il y avait là une tour en cours de démolition.
J’entoure le moment d’un crayon rouge.
Les femmes qui courent après les métros sont belles
et vous n’en saurez rien.
J’ai perdu toutes mes photos de la veille.
Seul compte l’instant.
« Dommage » fut le dernier mot prononcé par Paula Modersohn-Becker
Fauchée en plein élan, elle n’avait que 31 ans.
Elle était fascinée par la simplicité et l’intensité de la vision du monde des enfants.
C’est le kaïros du désir, une fulguration qui fait que la photographie n’est plus quelconque.
« Je crois que cet homme a un souci »
Elle parlait à sa soeur jumelle. Même coupe de cheveux, même lunettes, même tailleur, même sac, mêmes chaussures. La soixantaine, elles se tenaient par la main. Nous montions au même rythme les escaliers, quittant les profondeurs Araki.
« Pour être honnête, je n’ai même pas trouvé ça érotique ».
Observer ensemble ce qui jaillit en refrénant ce qui frémit.
Yeux coeur sexe en un même organe, je n’ai rien dit.
Le trouble ondulait, parfois nous entourait, mais les langues en restaient là et les répercussions n’ont entraîné personne.
Secs.
J’aurai voulu convoquer les cigales que les mots se tordent et que s’effondre l’ordre.
J’ai quitté ce qui est dit sulfureux pour me rendre à ce qui est dit fabuleux.
Petites fourmis aux pieds de la tour, est-ce votre désir
qui vous poussent à vous agglutiner ainsi?
J’ai ressorti mes armes puisque mon ventre sonnait creux.
« Il dépend de celui qui passe
que je sois tombe ou trésor
que je ne parle ou me taise
ceci ne tient qu’à toi
ami n’entre pas sans désir »
Je connais Paris grâce aux chansons de Mano Solo
et c’est à Ménilmontant que j’ai soif de la vie.
Cinq heures durant un tissage à quatre mains deux voix
dont resteront secrets les puissances révélées.
Choisir
à loisir,
les petites indécises sont à la fois origine
matière et destination des vagues.
Bénie soit l’hésitation.
J’entends les remous, j’entends les remous.
L’écluse, le pont, l’envie d’uriner.
J’ai été surprise par la voix masculine annonçant la station Bonne Nouvelle. J’attendais la suite. Il a poursuivi d’un suave « Grand Boulevard ». J’ai souri puisqu’il en est ainsi. Le trajet s’est prolongé ainsi, les noms n’étaient plus lieux mais caresses. D’ordinaire c’est une femme qui énumère : destination, incident et retard. Ici l’homme annonce et surprend. L’effleurement est agréable et je ne peux rien faire d’autre que cela : écouter la trajectoire.
« Chacun doit accepter son lot de solitude inévitable »
J’ai fermé mon livre sur l’esplanade.
J’ai photographié la Défense comme un long voyage d’hiver.
J’apprends que ma grand-mère n’est plus en capacité de formuler des phrases.
Je pars à la recherche du mot juste.
Il ne s’agit plus de moi.
Il s’agite l’autre en moi.
J’ai été prise en photo.